Il y a une année exactement, dans la lettre d’information d’octobre 2014, j’évoquais la montée des pauvretés et des inégalités en France, en Europe, dans le monde entier. Notre réponse personnelle et collective était notre engagement à faire d’APPUIS un levier de transformation sociale, en vue de remettre l’humain au centre des activités. Nous avons fait le pari d’engager l’association dans un mouvement de développement et de réorganisation, afin d’être au plus proche des publics accompagnés et d’être force de proposition pour répondre au mieux à leurs évolutions. Un autre enjeu était également, via la création d’un pôle formation, d’acquérir des degrés d’indépendance dans nos financements.
Un an après, il est temps de faire un point sur ce pari.
Dans le monde autour de nous, la situation ne s’est pas améliorée, loin de là. Les tensions croissent dans différentes régions du globe et se traduisent par des guerres de plus en plus ouvertes entre les grands blocs : Chine, Inde, Russie, Etats Unis d’Amérique, pays Européens. Ces pays se disputent des ressources qui se raréfient et l’accès à l’eau potable, aux terres arables, se rajoute maintenant aux matières premières et aux sources d’énergie.
Comme souvent, ces puissances délocalisent leurs conflits sur des territoires extérieurs : Ukraine, Pakistan et Afghanistan, Syrie et Irak, Yémen, Afrique subsaharienne et Afrique noire. Les grands de ce monde continuent à tenir des conférences aux quatre coins de la planète, l’argent coule toujours à flots mais rien n’y fait, les pauvres trinquent toujours.
J’ai l’impression de retrouver, à l’échelle mondiale, l’état de la France au milieu du 18ème siècle : une petite frange de population immensément riche, tirant sa richesse de l’exploitation du peuple, paysans sans droits, corvéables à merci et crevant de faim, chair à canon pour assouvir les luttes entre dynasties familiales, tout cela approuvé et béni par une structure sociétale soigneusement élaborée et maintenue par ces mêmes puissants. On sait comment cela s’est terminé, en 1789.
A la cour de Versailles, les fêtes étaient de plus en plus grandioses et étalées impudiquement à la vue de tous. La richesse des USA, de l’Europe, est également de plus en plus visible, et maintenant les flots de migrants venant frapper à nos portes devraient nous rappeler les révoltes de la misère instituée passées. On essaie de nous faire croire qu’il y a des bons migrants, politiques, et des faux migrants, soi-disant économiques. En réalité, c’est la même facette de la mondialisation : la concentration de la richesse par l’exploitation et la contrainte, par les mirages de l’individualisme et de la consommation, par l’éclatement des structures sociales régulatrices, et si besoin est, par les armes. Les révolutions du 21ème siècle auront également lieu et des têtes tomberont aussi ; mais les leçons de l’histoire ne sont jamais retenues par les profiteurs.
Encore une fois, je me pose la question du quoi faire, comment réagir, à notre niveau de citoyen au pouvoir ordinaire ? Au travers d’engagements associatifs, est-il possible de peser tant soi peu sur cette situation de plus en plus injuste et instable ?
En tout cas à APPUIS, les décisions que nous avons prises durant les deux dernières années commencent à porter leurs fruits.
La mise en place d’un pôle formation nous donne des moyens financiers supplémentaires et indépendants de tout contrôle, politique ou administratif. En même temps, c’est un bon moyen de peser sur les organisations en place, d’instiller d’autres formes de pensée, d’analyse et d’action.
Rajouté à la réorganisation des pôles, cet autofinancement permet la mise en place de structures destinées à répondre de façon pertinente aux mutations sociales induites par l’environnement politique et économique.
D’une structuration classique verticale, nous passons à des relations transversales qui favorisent l’échange de savoirs, de connaissances, la pertinence de réponses à des besoins globaux. Les deux psychologues – coordinateurs pédagogiques sont en place et une personne chargée de développer des projets innovants vient d’être embauchée.
L’équipe du siège, enrichie de deux responsables (financier et administratif-ressources humaines), vient en support technique aux équipes des pôles et leur permet de consacrer plus de temps aux actions en cours et à la réflexion sur les développements à venir.
Vis à vis des partenaires, notamment les services publics qui sont souvent les prescripteurs et les financeurs, nous nous positionnons de plus en plus en tant que développeurs d’innovation sociale.
Les retours que nous avons actuellement montrent que nous sommes sur la bonne voie. L’attribution de 21 mesures d’AED renforcée, suite à un appel à projet du Conseil Départemental, en est une preuve. L’acceptation par l’Agence Régionale de Santé du projet de transformation de quelques places de Lits Halte Soins Santé en Appartements de Coordination Thérapeutique en est une autre.
Comme exemple d’innovation sociale, voici une action qui va démarrer le 19 novembre prochain :
Pour la Ville de Mulhouse (service Social et Education), le Pôle Formation d’APPUIS va animer un groupe composé d’une quinzaine de jeunes majeurs.
L’idée est de les faire travailler sur l’identification de leurs critères de bien-être et de mal-être pour les amener à investir des actions favorables à leur bien-être. Un bilan de compétences personnelles leur permettra de prendre conscience de leurs savoirs développés par l’expérience de la vie et de les mobiliser pour se réaliser soi-même.
Outre l’atelier animé par APPUIS, un autre atelier animé par Rénato SPERA, comédien et metteur en scène, permettra de travailler sur les habiletés sociales ; un autre atelier animé par un éducateur de l’Elan sportif sera axé sur la dimension plutôt corporelle et sportive.
Ces ateliers pourront déboucher sur des projets soutenus par la Ville : repeindre un bus, créer un blog avec Sémaphore ou tout autre idée promue par les jeunes eux-mêmes.
Ces ateliers seront ouverts aux jeunes accompagnés au CHRS APPUIS.
Toutes ces actions et résultats nous font aborder de façon sereine la révision du projet associatif, tâche qui démarrera d’ici fin d’année et à laquelle l’ensemble des forces associatives : salariés, bénévoles, administrateurs mais aussi les personnes accompagnées, sera mis à contribution.
André Schaeffer,
président d’APPUIS